Pierre Corneille

Né à Rouen le 6 juin 1606 - mort à Paris le 1er octobre 1684.

D'une famille de robe, Pierre Corneille fait ses études au Collège des Jésuites de sa ville natale où il découvre la rhétorique latine, les héros de l'Antiquité et le théâtre. Diplômé de droit, il devient avocat en 1628, métier qu'il exerce jusqu'en 1651. Il obtient une double charge d'avocat du roi au siège des Eaux et Forêts et à la Table de marbre du Palais, qu'il occupera jusqu'en 1650. De sa vie privée, fort discrète, on connaît peu de chose. II épouse, en 1640, Marie de Lempérière, qui lui donne six enfants et quitte Rouen pour s'installer à Paris en 1662, lorsque la suite de ses succès au théâtre lui garantit la reconnaissance du public.

Il écrit sa première comédie Mélite ou les fausses lettres, en 1629. Elle est joueé à Paris en 1630 par le célèbre acteur Mondory, fondateur du Théâtre du Marais, auquel Corneille confie toutes ses pièces jusqu'en 1647. Après ce premier succès Corneille donne, entre 1630 et 1633, Clitandre ou l'Innocence délivrée, puis la Veuve ou le Traître trahi, la Galerie du Palais ou l'Amie rivale, la Suivante, la Place Royale ou l'Amour extravagant. Tragi-comédies, ou comédies à l'espagnole, les pièces de Corneille sont écrites dans un langage riche, sonore et efficace.

Leur succès vient de leur construction sur le thème pastoral, et peut-être autobiographique, de l'amitié trahie par l'amour. En 1635, Corneille aborde la tragédie, avec Médée, dont il emprunte le sujet à Sénèque, et compose l'Illusion comique, comédie gigogne qui met en scène à la fois l'allégorie du théâtre du monde et les différents genres dramatiques possibles. La transposition dans l'univers urbain de Mélite est aussi une nouveauté de taille. Au lieu de bergers, le théâtre met en scène, pour la première lois de manière plausible, la société. Surtout, ce reflet se trouve caricaturé ou embelli dans la mesure où toute la construction dramatique repose sur le déploiement d'un moi de théâtre, égoïste et passionné jusqu'à la folie (Mélite), l'aveuglement (Clitandre) ou la caricature (la Galerie, la Suivante, l'Illusion). La Place Royale avec Alidor, Médée avec le rôle-titre font de cet égoïsme souverain le fondement conscient du héros cornélien, tandis que l'Illusion rompt avec le monde étroit des comédies parisiennes et qu'éclate dans ces trois œuvres la tentation de la tragédie déjà présente depuis Clitandre. En 1635, Richelieu a réuni une équipe de cinq auteurs chargés de mettre en forme des canevas qu'il imagine: Boisrobert, Colletet, L'Estoile, Rotrou et Corneille. Ainsi sont composées la Comédie des Tuileries et l'Aveugle de Smyrne. Corneille rompt avec cette société et fait scandale en 1637 avec sa tragi-comédie du Cid.

A partir du Cid, tragi-comédie inspirée d'une épopée espagnole, créée au début de l'année 1637, il connaît une suite de grands succès, Paraissent alors des tragédies à sujets romains, successivement Horace (1640),Cinna ou la Clémence d'Auguste (1641), Polyeucte, martyr (1641), la Mort de Pompée (1643). Le choix des sujets postule l'insertion du héros aristocratique dans le cadre monarchique. En un temps où Richelieu paraît un monstre, ces quatre apologies du serviteur noble ne sont susceptibles— d'aucune récupération par le Cardinal. Au contraire, parce qu'il exalte la haute noblesse (le Cid), qu'il rappelle que l'auxiliaire du roi n'est pas au-dessus des lois (Horace), qu'il montre un monarque osant retrouver sa gloire autrement que par des représailles (Cinna), qu'il reprend l`idée chrétienne que le vrai royaume n'est pas de ce monde (Polyeucte), le théâtre cornélien s'oppose à sa manière à la politique contestée du Cardinal.

Il revient à la comédie avec le Menteur (1643) et la Suite du Menteur. Puis la série des tragédies continue avec Rodogune, princesse des Parthes (1644), Théodore vierge et martyre (1645), Héraclius, empereur d'Orient (1646), Andromède (1650) tragédie à machines (c'est-à-dire qui privilégie la mise en scène et les «effets spéciaux») jouée dans les décors de Toreli, Don Sanche d'Aragon (1649), Nicomède (1651) jusqu'à l'échec de Pertharite, roi des Lombards, en 1651. Corneille se détourne momentanément du théâtre et se consacre à la traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ. Il renoue avec la tragédie en 1659 avec Œdipe, puis la Conquête de la Toison d'Or (1660), tragédie à grand spectacle, et donne ensuite Sertorius (1662), Sophonisbe (1663), Othon (1664) et Agésilas (1666).

Avec Attila (1667), puis Tite et Bérénice (1670), Corneille quitte l'Hôtel de Bourgogne et s'adresse à la troupe de Molière, qui a déjà interprété plusieurs de ses pièces. Pulchérie, jouée au Théâtre du Marais en 1672, puis Suréna en 1674, terminent la carrière dramatique de Corneille.

En 1682, paraît sous son contrôle l'édition complète de son Théâtre et il assiste à une reprise triomphale d'Andromède. Sa pension, inexplicablement suspendue sept ans auparavant, est alors rétablie. Le théâtre de Corneille, écrit dans une versification dense et étonnamment moderne, présente des héros d'une rare grandeur, confrontes à des situations nécessitant des choix difficiles. L'honneur, le devoir, l'élévation de pensée sont les qualités de personnages dont le code moral et politique exigeant s'exprime dans un parcours dialectique qui n'exclut ni les sentiments ni l'ironie.

Si ses œuvres les plus représentées à la Comédie-Française au cours des siècles restent encore le Cid, Cinna, Polyeucte, Horace, Nicomède, Rodogune et la comédie du Menteur, la tendance est actuellement à redécouvrir dès pièces peu connues, voire méconnues, telles Tite et Bérénice — qui pâtit en son temps de la comparaison avec la Bérénice de Racine, Sertorius ou encore Suréna.

La tragi-comédie aux règles mal définies, met en scène des personnages issus du monde romanesque (plutôt que de l'histoire antique ou de la mythologie pour les tragédies). Ces personnages sont jetés dans des histoires passionnelles où l'amour et la vengeance ont une fonction importante. Finalement, l'action n'aboutit pas nécessairement à la mort des protagonistes.

Nous sommes à Séville, en Espagne, au Moyen-Age. Chimène et le jeune Rodrigue sont épris l'un de l'autre. Mais ce monde brutal et sans merci où règne un impitoyable code d'honneur précipite leur destinée. Le comte de Gormas, le père de Chimène,, insulte gravement le père de Rodrigue, un homme devenu trop vieux pour se défendre lui-même. Rodrigue, pour sauver l'honneur de son père, et même si cela signifie renoncer à Chimène, décide de provoquer le comte en due. Or, Rodrigue ne s'est jamais battu et Gormas est le plus formidable homme d'armes du royaume. Et pendant ce temps, les Maures s'apprêtent à attaquer Séville. La pièce oppose l'honneur et l`amour. Pour Rodrigue, s'il se venge, il perd Chimène. Mais s'il ne se venge pas, il la perd aussi, car Chimène ne peut aimer un homme sans honneur. Chimène vit elle aussi un dilemme: si elle aime Rodrigue, elle méprise son honneur, mais si elle le hait, elle méprise l'honneur même.

En 1660, Corneille révise le texte et 324 vers sur un total de 1 865 sont différents.